GoldenAnne Golden, ancienne PDG du Conference Board du Canada

 

Interviewée le 12 septembre 2014 par Adam Kahane

Kahane : Que se passe-t-il au Canada qui, d’après vous, mérite notre attention?

Golden : Il y a deux forces qui transforment le monde à l’heure actuelle, la mondialisation et l’urbanisation. Ces deux forces se concentrent sur les villes. Ce que j’entends par mondialisation, ce sont tous les changements facilités par la révolution technologique, y compris la restructuration de l’économie, l’intensification de la concurrence et la vitesse croissante à laquelle tous ces phénomènes se produisent. La révolution de la technologie de l’information est en train de tout transformer :chaque industrie et chaque emploi, le système d’éducation, les soins de santé, la démocratie, même comment pensent et communiquent les gens. La deuxième force majeure, l’urbanisation, est une révolution démographique. Il y a quelques années, nous avons dépassé le point où plus de la moitié des humains sur la planète vivaient dans les villes. Au Canada, quatre-vingts pour cent d’entre nous vivent dans des villes de dix mille habitants ou plus. Si l’on combine cela avec le vieillissement de la population et le fait que notre économie dépend de l’immigration, nos villes se heurtent à d’énormes défis. Et c’est là où vont les gens, où a lieu l’innovation, où est engendrée la richesse de notre pays, où sont concentrées nos plus grandes institutions d’enseignement et de soins de santé. Les villes font plus que leur part lorsqu’il s’agit de bâtir le PIB du pays. Le succès futur de nos villes est crucial pour que le Canada puisse être concurrentiel dans l’économie mondiale.

Kahane : Si les choses tournent mal au cours des vingt prochaines années, que se serait-il produit?

Golden : Nous ne réussirons pas si nous n’investissons pas dans les changements essentiels. À Toronto, par exemple, nous n’avons presque rien investi dans l’infrastructure; depuis l’an 2000, nous avons apporté quelques améliorations, mais pas assez pour rattraper notre retard. Il nous faut investir dans la reconstruction de cette infrastructure ainsi que dans les systèmes de gestion de déchets et d’alimentation énergétique. Il nous faut trouver de meilleurs moyens de permettre à la ville de se développer et de grandir, en reliant nos décisions touchant le transport en commun et nos décisions touchant le développement. Et nous ne réussirons pas si nous ne luttons pas contre l’inégalité croissante des revenus par une combinaison de changements aux régimes fiscaux et d’instauration de programmes innovateurs.

Kahane : Qu’est-ce qui nous mènerait à prendre des décisions sages ou peu sages?

Golden : Nous avons besoin d’un public suffisamment éclairé pour comprendre que les villes et leurs alentours se trouvent au seuil d’une nouvelle ère, et que nous devons regarder devant nous et non derrière nous. Nous devons observer les preuves et être très prudents en prenant des décisions parce qu’elles entraînent des conséquences. Nous devons être prêts à payer nos impôts, car c’est le prix d’une société civilisée, sécuritaire et progressive. Aussi, il nous faut des leaders comme Naheed Nenshi de Calgary, des leaders qui encouragent les discussions responsables, qui n’ont pas peur de dire la vérité et qui ne portent pas de jugements hâtifs, mais attendent plutôt de voir et de soupeser la preuve.

Kahane : Si vous pouviez consulter un voyant et le questionner sur l’avenir, que voudriez-vous savoir?

Golden : Allons-nous résoudre les problèmes de congestion et de connexions qui sont tellement fondamentaux à la prospérité de nos villes? Si nous n’encourageons pas les gens à sortir de leurs voitures et si nous ne relions pas toutes les parties de la région, nous devrons payer très cher, c’est-à-dire que nous perdrons beaucoup au niveau de la productivité et de la qualité de vie. Avec l’arrivée de nouveaux groupes, pourrons-nous continuer à faire preuve d’ouverture d’esprit et de tolérance, qualités qui, jusqu’à maintenant, ont été à la base de notre succès, ou verrons-nous apparaître des tensions comme ailleurs dans le monde? Et finalement, pourrons-nous combler le fossé grandissant entre les revenus et ainsi émousser le côté tranchant du capitalisme? Nous espérions que la participation dans une économie du savoir mondialisée allait rehausser les normes de vie partout, que tous les bateaux allaient être soulevés par la vague, mais nous nous rendons compte aujourd’hui que les yachts sont soulevés plus rapidement que les chaloupes. À Toronto, on peut observer la stagnation de la classe moyenne et très peu d’amélioration pour les classes pauvres.

Reos Partners

Thought leader interviews were conducted by Reos Partners, led by project editor Adam Kahane. Kahane is a best selling author and facilitator who has led dialogues in more than 50 countries including post-Apartheid South Africa. Les entrevues auprès de leaders d’opinion ont été réalisées par Reos Partners, sous la direction d’Adam Kahane, rédacteur de projet. Kahane est un auteur et facilitateur à succès qui a mené des dialogues dans plus de 50 pays, notamment en Afrique du Sud après l’apartheid.