IvesonDon Iveson, maire d’Edmonton

 

Interviewé le 24 juillet 2014 par Brenna Atnikov.

Atnikov : Si vous pouviez parler avec un clairvoyant au sujet de l’avenir du Canada, que voudriez-vous savoir d’abord et avant tout?

Iveson : Quelle belle occasion! Quelle sera l’incidence du changement climatique sur ce pays au cours des décennies à venir? Je m’inquiète que le Canada y soit moins résistant à cause de son envergure. L’immensité du pays est l’une des choses qui nous rendent magnifiques et cela signifie que nous disposons d’une abondance de ressources dont nous pouvons bénéficier. Mais puisque notre superficie est tellement vaste, nous avons des milliers de kilomètres de routes et de tuyauterie. Tout cela est potentiellement vulnérable aux changements de climat.

Vous pouvez attendre que votre pays soit inondé, ou vous pouvez bâtir les digues dès aujourd’hui, ou encore, vous pouvez faire partie d’un effort légitime pour freiner le changement climatique. Le gouvernement fédéral ne parle pas du changement climatique parce que c’est incompatible avec son approche envers le développement du pays comme superpuissance énergétique. Nous aurions besoin d’une stratégie nationale pour gérer l’infrastructure physique qui est menacée par des événements météorologiques extrêmes. Et en toute honnêteté, il nous faudra des sommes considérables pour en défrayer les coûts.

Une autre question que je voudrais poser, c’est où en sommes-nous en ce qui a trait à la réconciliation avec les autochtones? Parce que c’est là un des énormes éléments de travail inachevé dans ce pays. Malgré toutes les tentatives de les assimiler, on n’a pas réussi, et c’est purement à cause de leur résistance que les autochtones sont toujours ici.

Ma troisième question serait, le pays continuera-t-il à exister ou se fragmentera-t-il parce qu’il n’y aura plus rien pour le cimenter? Nous sommes devenus allergiques aux crises constitutionnelles, mais d’autres pays les éprouvent et ils s’en sortent bien. C’est comme le mariage : si vous laissez tout s’envenimer, et dites à la fin ce que vous pensez, c’est difficile alors de régler les problèmes.

Si nous sommes prêts à en débattre en tant que pays et en finissons tous plus forts, tout ira bien. Mais il semble que nous évitons certaines conversations que nous devrions pourtant avoir.

Atnikov : Comment la richesse en ressources a-t-elle ajouté aux enjeux complexes d’Edmonton?

Iveson : S’il y a une province qui devrait posséder les ressources nécessaires pour rester au pas avec sa croissance, c’est bien l’Alberta. Mais le cycle en dents de scie, avec ses hausses et ses baisses, voulant qu’on utilise les revenus de ressources pour payer les dépenses courantes, est incroyablement risqué. On ne peut pas décider de financer les maternelles à temps plein et ensuite, lorsque le prix du pétrole tombe sous un certain montant par baril, éliminer les maternelles à temps plein. Nous avons commis des faux pas dans le passé, tout d’abord en permettant au développement d’échapper à tout contrôle, et puis en permettant aux entreprises extractives d’évincer les entreprises à valeur ajoutée.

Si nous voulons persévérer dans l’industrie des sables bitumineux, nous devons apprendre de nos erreurs passées et démontrer que nous savons être les bons gardiens de cette ressource complexe dont nous avons hérité par hasard. Cette activité se produira sans doute; tant et aussi longtemps que le prix du pétrole sera plus élevé que 50 $ environ le baril, l’extraction se poursuivra. Nous devons agir avec détermination pour la rendre moins chère, plus propre, plus verte, plus rapide et plus sécuritaire, et ensuite nous devons appliquer cette propriété intellectuelle à d’autres défis écologiques et à d’autres procédés industriels dans le monde. Cela devrait être notre prochain projet comme bâtisseurs de la nation, soit créer une valeur à long terme à partir de ce profit de courte durée. Comme cela, quand nous aurons terminé dans le Nord, quand nous aurons extrait la dernière goutte de cette ressource extractible de manière économiquement faisable, il demeurera toujours une raison d’exister pour Edmonton.

Atnikov : Qu’est-ce qui a façonné votre façon de voir les choses et qui vous a amenés à faire ce que vous faites?

Iveson : En 2002, j’ai fait partie d’un atelier sur le besoin de construire des villes pouvant attirer et retenir des individus talentueux, créatifs et innovateurs. J’avais des antécédents en sciences politiques, et cette question m’a fait beaucoup réfléchir sur ce que les villes canadiennes doivent devenir pour être en mesure d’offrir une expérience urbaine complète tout en demeurant concurrentielles.

Quelques années plus tard, ma compagne et moi songions à l’endroit où nous voulions vivre. Mes amis n’étaient pas attirés vers Edmonton comme endroit où vivre et nous étions déchirés entre plusieurs villes canadiennes, mais si vous pensez à où vous souhaiter vous établir, élever une famille et entreprendre une carrière, Edmonton y gagne vis-à-vis de Toronto pour ce qui est du logement abordable et de la qualité de l’enseignement public. En fin de compte, nous avons choisi de rester ici et nous ne regrettons pas ce choix.

Je suis maintenant le maire d’Edmonton et je me consacre bien sûr entièrement à cette ville. Il y a des gens qui se lancent dans la politique locale parce qu’ils y voient des possibilités d’amélioration, et il y a ceux qui aiment les choses exactement comme elles sont. J’appartiens fermement à la catégorie de gens qui adorent l’endroit, mais qui, en même temps, voient beaucoup d’occasions de l’améliorer.

Atnikov : Qu’aimeriez-vous laisser comme héritage personnel?

Iveson : Je désire contribuer à l’édification d’une ville que mes enfants voudront habiter. J’imagine facilement que dans sept générations, cet endroit sera toujours plein de vitalité, et les choses que nous aurons créées et pour lesquelles nous aurons investi tant de temps et d’énergie perdureront, et les valeurs, qui auront fait de nous un endroit merveilleux où vivre, seront toujours là. L’infrastructure physique aura peut-être changé entièrement, mais les valeurs qui unissent les gens entre eux resteront toujours vraies.

Reos Partners

Thought leader interviews were conducted by Reos Partners, led by project editor Adam Kahane. Kahane is a best selling author and facilitator who has led dialogues in more than 50 countries including post-Apartheid South Africa. Les entrevues auprès de leaders d’opinion ont été réalisées par Reos Partners, sous la direction d’Adam Kahane, rédacteur de projet. Kahane est un auteur et facilitateur à succès qui a mené des dialogues dans plus de 50 pays, notamment en Afrique du Sud après l’apartheid.