Gord Lambert sur l’innovation collaborative

Gord-LambertGord Lambert, conseiller exécutif en matière de durabilité et d’innovation à Suncor Energy

 

Interviewé le 17 juillet 2014 par Monica Pohlmann.

Pohlmann : Qu’est-ce qui vous anime de nos jours?

Lambert : Je suis animé par un nouveau modèle que nous avons créé pour accélérer le rythme de performance environnementale par le biais de l’innovation et de la collaboration. COSIA — Canada’s Oil Sands Innovation Alliance — en est l’exemple précis. Il s’agit d’un réseau de treize entreprises qui représentent plus de quatre-vingt-dix pour cent de la production canadienne de sables bitumineux, et qui compte quarante membres associés venant des universités, des gouvernements et du secteur des affaires en faveur de cette activité. En mettant nos ressources en commun et en partageant nos connaissances, nos pratiques exemplaires et même notre propriété intellectuelle, nous espérons améliorer notre performance économique, sociale et environnementale à titre d’entreprises individuelles et à titre d’industries, en général. À ce jour, les compagnies membres ont partagé environ un milliard de dollars de propriété intellectuelle.

Pohlmann : Que se passe-t-il au Canada qui a retenu votre attention?

Lambert : Nous avons la chance de servir d’excellent exemple de ce qu’est une économie de ressources qui, en même temps, est le moteur de l’innovation. Par notre engagement au-delà des frontières disciplinaires, organisationnelles, culturelles et gouvernementales, nous cherchons à obtenir des résultats environnementaux, sociaux et économiques qui profiteront à tous les Canadiens.

Pohlmann : Qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit?

Lambert : Il n’y a pas de doute que le changement climatique est un défi crucial. La réputation du Canada a diminué en raison de la perception que nous ne sommes pas engagés à trouver des solutions. Il y a eu beaucoup d’arrêts et de départs dans l’effort de maîtriser cette crise mondiale. Plusieurs programmes valables ont été victimes des changements à saveur politique. Même quand les gouvernements sont bien partis et ont amorcé l’ébauche d’un projet acceptable, il y a presque toujours eu des critiques, soit que les résultats escomptés n’étaient pas assez audacieux pour protéger l’environnement, ou alors qu’ils étaient trop audacieux et dommageables pour l’économie. On aboutit donc dans une impasse.

Les problèmes du vingt-et-unième siècle sont beaucoup plus complexes que les défis environnementaux précédents, tels que la pluie acide. Dans le cas des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, nous faisons tous partie du problème et nous devons tous faire partie de la solution. Et pourtant, même aujourd’hui, nous cherchons automatiquement à porter le blâme sur les autres. Nous n’arrivons pas à traiter séparément l’offre et la demande en matière d’énergie. Les problèmes complexes, qui outrepassent les frontières, exigent d’être étudiés par de multiples sources d’expertise et d’intérêts venant de divers milieux et engagés à trouver les solutions ensemble au lieu d’être considérés de façon isolée et incompatible.

Pohlmann : Si les choses tournent bien au Canada au cours des vingt prochaines années, que se sera-t-il passé?

Lambert : Depuis quelque temps, je réfléchis sur les moyens de travailler ensemble à l’avenir en vue de relever les défis écologiques ou sociaux. Je me sers d’une métaphore inspirée par le cyclisme routier du même type que celui du Tour de France, une course intensément compétitive, avec plusieurs équipes de cyclistes et stratégies, et aussi une course profondément collaborative. Les cavaliers seuls n’y ont pas leur place. Chacun doit faire sa part. Il faut que la confiance règne. Le but est d’accélérer le progrès pour atteindre un résultat prédéfini. Pouvons-nous créer de tels pelotons pour mobiliser les efforts et les talents conjoints en vue d’atteindre nos résultats ambitieux, hardis et positifs? La Canada’s Oil Sands Innovation Alliance est justement un exemple réunissant treize entreprises qui déterminent les règles pour former un peloton et travailler ensemble au progrès. Ceci pourrait servir de source d’information à d’autres nouveaux modèles de collaboration.

Pohlmann : Comment votre expérience personnelle a-t-elle influencé ce que vous faites et la perspective que vous avez aujourd’hui?

Lambert : Mon premier emploi en sortant de l’université se trouvait à Cold Lake, en Alberta, où j’ai travaillé avec la communauté, y compris les Premières Nations et les commerces locaux. Je travaillais avec le projet Cold Lake d’Imperial Oil à titre de spécialiste environnemental. J’ai commencé à apprendre ce qu’il faut faire pour créer les rapports et la confiance entre humains, éléments qui sont nécessaires à une collaboration constructive et mutuellement avantageuse. Nous étions d’accord sur certaines choses, nous nous préoccupions de certaines autres ou parfois, nous étions carrément en désaccord, mais grâce au dialogue et au respect mutuel, nous arrivions à régler nos différends et à trouver des solutions. Notre manière d’interagir est essentielle à ce que nous voulons réaliser.

Reos Partners

Thought leader interviews were conducted by Reos Partners, led by project editor Adam Kahane. Kahane is a best selling author and facilitator who has led dialogues in more than 50 countries including post-Apartheid South Africa. Les entrevues auprès de leaders d’opinion ont été réalisées par Reos Partners, sous la direction d’Adam Kahane, rédacteur de projet. Kahane est un auteur et facilitateur à succès qui a mené des dialogues dans plus de 50 pays, notamment en Afrique du Sud après l’apartheid.