Peter Tertzakian sur l’importante industrie énergétique du Canada

petertertzakianPeter Tertzakian, économiste en chef de l’énergie et directeur général de ARC Financial

Interviewé le 11 septembre 2014 par Brenna Atnikov.

Atnikov : Que se passe-t-il au Canada qui attire votre attention?

Tertzakian : Les industries pétrolière et gazière sont en train de subir leur plus profond changement depuis cent ans. Les enjeux touchant l’environnement, la politique, les ressources et la démographie sont tous en train de s’entrechoquer simultanément pour transformer notre façon de fournir et de consommer l’énergie. Il est vrai que l’industrie de pétrole et de gaz a été complaisante : elle savait que les gens étaient dépendants du produit et donc, elle n’a pas cherché à innover. Cependant, depuis 2008 ou 2009, le niveau d’innovation a été profond. Nous allons continuellement voir des innovations jusqu’au milieu de la prochaine décennie.

Depuis l’avènement du Modèle T, nous avons été tributaires d’un système de conduite automobile axé sur le pétrole. Cela est à la veille de changer de manière importante. L’apparition cumulative de nouveaux produits, tels que les véhicules électriques, les véhicules électriques hybrides et différents moyens de transport, sera conséquente à l’industrie canadienne de pétrole et de gaz. Aucun de ces produits ne peut à lui seul remplacer le pétrole, mais ensemble ils seront tous assez importants pour amenuiser la croissance exagérée de la demande pour le pétrole, phénomène dont le monde entier est témoin depuis le début ce cette décennie.

Atnikov : Qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit?

Tertzakian : Nous ne sommes plus à une époque où nous pouvons tout simplement attendre que les prix de l’énergie augmentent. Nous devons présumer que les prix resteront stables et même qu’ils pourront baisser. La façon de rester concurrentiel dans un marché aussi féroce, c’est d’offrir un produit moins cher que les autres. L’industrie canadienne de l’énergie s’est réveillée devant ce fait il y a quelques années, et nous devenons assez habiles dans ce sens. Mais si nous ne nous mettons pas bientôt à traiter des problèmes environnementaux, si nous ne continuons pas à faire preuve de discipline pour maîtriser les coûts, et si nous ne commençons pas à établir des rapports avec de nouveaux clients et nous adapter à de nouveaux systèmes, nous serons voués à l’échec.

En revanche, il est frustrant que l’industrie soit si durement critiquée et ne soit pas reconnue pour ses réalisations. En fait, les personnes qui passent le plus de temps à dire du mal des Canadiens sont les Canadiens eux-mêmes. Toutefois, à cause de nos normes réglementaires, de l’État de droit et de notre façon de fonctionner, le Canada est l’un des cinq plus importants pays producteurs d’énergie au monde. Cela n’a pas de sens que tant d’effort et d’argent soit dépensé pour diminuer notre rôle. Si l’on veut que le monde soit un meilleur endroit où vivre, pourquoi voudrait-on en éliminer un des principaux producteurs?

Atnikov : Si les choses devaient mal tourner au cours des vingt prochaines années, qu’est-ce qui se serait passé?

Tertzakian : Quand on se promène dans le centre-ville de Calgary ou qu’on voyage dans cette merveilleuse province, on sent la présence de la prospérité. Nous sommes fréquemment cités comme l’un des cinq ou dix meilleurs endroits où vivre. Voilà les bonnes nouvelles. Les mauvaises nouvelles, c’est que si nous ne sommes pas prudents, nous n’aurons vraiment qu’un seul chemin à suivre, et c’est celui nous attirant vers le bas. Le sentiment de polarisation qui accompagne la richesse engendre l’animosité.

Nous aurons de graves problèmes si nous perdons confiance en des institutions impartiales et sérieuses comme l’Office national de l’énergie. Au cours de notre histoire, ces institutions ont eu le dernier mot à l’égard de diverses décisions, mais aujourd’hui, par le biais des médias sociaux et d’autres techniques de communication, une minuscule minorité de gens peut retarder l’exécution de projets. Ils pourraient dire : « Je ne veux pas d’éoliennes dans ma cour arrière, je ne veux pas cette centrale hydroélectrique dans ma rivière, je ne veux pas de panneaux solaires envahissant cette superficie. » Mais du même souffle, ils disent qu’ils veulent de l’énergie à bon marché. Tout le monde doit accepter une part du fardeau, même si cela veut dire avoir une ligne à haute tension pas loin de chez soi. Voilà peut-être ce qu’un individu doit accepter pour le plus grand bien du pays. Le fait que de petits groupes de gens puissent contourner les institutions qui aident à rendre notre pays formidable constitue un problème national. L’autre extrémité de ce spectre serait l’autoritarisme, ce que nous ne voulons pas non plus. J’ai toujours eu l’impression que nous avions un bon équilibre, mais je deviens maintenant un peu nerveux vis-à-vis de la direction dans laquelle nous nous acheminons.

Reos Partners

Thought leader interviews were conducted by Reos Partners, led by project editor Adam Kahane. Kahane is a best selling author and facilitator who has led dialogues in more than 50 countries including post-Apartheid South Africa. Les entrevues auprès de leaders d’opinion ont été réalisées par Reos Partners, sous la direction d’Adam Kahane, rédacteur de projet. Kahane est un auteur et facilitateur à succès qui a mené des dialogues dans plus de 50 pays, notamment en Afrique du Sud après l’apartheid.